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L'ACTIVITÉ MISSIONNAIRE DE L'ÉGLISE

Publié le par Guy Levis KOUADIO

L'ACTIVITÉ MISSIONNAIRE DE L'ÉGLISE


Le dessein du Père

2. De sa nature, l'Eglise, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père (1). Ce dessein découle de "l'amour dans sa source", autrement dit de la charité du Père qui, étant le Principe sans Principe, de qui le Fils est engendré, de qui le Saint-Esprit procède par le Fils, nous a créés librement dans sa trop grande bonté et miséricorde, et nous a depuis appelés gracieusement à partager avec lui sa vie et sa gloire; qui a répandu sur nous sans compter sa miséricorde et ne cesse de la répandre, en sorte que Lui, qui est le créateur de tous les êtres, devienne enfin "tout en tous" (1 Cor. 15, 28), en procurant à la fois sa gloire et notre bonheur. Il a plu à Dieu d'appeler les hommes à participer à sa vie non pas seulement de façon individuelle, sans aucun lien les uns avec les autres, mais de les constituer en un peuple dans lequel ses enfants, qui étaient dispersés, seraient rassemblés dans l'unité (cf. Jn 11, 52).


5. La mission de l'Eglise s'accomplit donc par l'opération au moyen de laquelle, obéissant à l'ordre du Christ, et mue par la grâce de l'Esprit-Saint et la charité, elle devient un acte plénier présent à tous les hommes et à tous les peuples, pour les amener, par l'exemple de sa vie, par la prédication, par les sacrements et les autres moyens de grâce, à la foi, à la liberté, à la paix du Christ, de telle sorte qu'elle leur soit ouverte comme la voie libre et sûre pour participer pleinement au mystère du Christ.
Cette mission continue et développe au cours de l'histoire la mission du Christ lui-même, qui fut envoyé pour annoncer aux pauvres la bonne nouvelle; c'est donc par la même route qu'a suivie le Christ lui-même que, sous la poussée de l'Esprit du Christ, l'Eglise doit marcher, c'est-à-dire par la route de la pauvreté, de l'obéissance, du service et de l'immolation de soi jusqu'à la mort, dont Il est sorti victorieux par sa résurrection. Car c'est ainsi dans l'espérance qu'ont marché tous les Apôtres, qui ont achevé par leurs multiples tribulations et souffrances ce qui manque à la passion du Christ au profit de son Corps, l'Eglise {cf. Col. 1, 24); souvent aussi le sang des chrétiens fut une semence (13).


8. L'activité missionnaire possède un lien intime avec la nature humaine elle-même et ses aspirations. Car en manifestant le Christ, l'Eglise révèle aux hommes par le fait même la vérité authentique de leur condition et de leur vocation intégrale, le Christ étant le principe et le modèle de cette humanité rénovée, pénétrée d'amour fraternel, de sincérité, d'esprit pacifique, à laquelle tout le monde aspire. Le Christ, et l'Eglise qui rend témoignage à son sujet par la prédication évangélique, transcendent tout particularisme de race ou de nation, et par conséquent ils ne peuvent jamais être considérés, ni lui ni elle, comme étrangers nulle part ni à l'égard de qui que ce soit (20). Le Christ lui-même est la vérité et la voie que la prédication évangélique découvre à tous, en portant aux oreilles de tous ces paroles du même Christ: "Faites pénitence et croyez à l'Evangile" (Mc 1, 15). Puisque celui qui ne croit pas est déjà jugé (cf. Jn 3, 18), les paroles du Christ sont des paroles à la fois de jugement et de grâce, de mort et de vie. Car c'est seulement en faisant mourir ce qui est vieux que nous pouvons parvenir à la nouveauté de vie: cela vaut d'abord des personnes; mais cela vaut aussi des divers biens de ce monde, qui sont marqués en même temps par le péché de l'homme et la bénédiction de Dieu: "Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu" (Rom. 3, 23). Personne, par lui-même ou par ses propres efforts, n'est délivré du péché ni élevé au-dessus de lui-même, personne n'est entièrement libéré de sa faiblesse ni de sa solitude ni de son esclavage (21), mais tous ont besoin du Christ, le Modèle, le Maître, le Libérateur, le Sauveur, celui qui donne la vie. En toute vérité, dans l'histoire humaine, même au point de vue temporel, l'Evangile fut un ferment de liberté et de progrès, et il se présente toujours comme un ferment de fraternité, d'unité et de paix. Ce n'est donc pas sans raison que le Christ est honoré par les fidèles comme "l'Attente des nations et leur Sauveur"(22).


9. Aussi le temps de l'activité missionnaire se situe-t-il entre le premier avènement du Seigneur, et le second, dans lequel, des quatre vents, telle une moisson, l'Eglise sera rassemblée dans le royaume de Dieu (23). Car avant la venue du Seigneur, il faut que la bonne nouvelle soit proclamée parmi toutes les nations (cf. Mc 13, 10).
L'activité missionnaire n'est rien d'autre, elle n'est rien de moins que la manifestation du dessein de Dieu, son Epiphanie et sa réalisation dans le monde et son histoire, dans laquelle Dieu conduit clairement à son terme, au moyen de la mission, l'histoire du salut. Par la parole de la prédication et par la célébration des sacrements, dont la Sainte Eucharistie est le centre et le sommet, elle rend présent le Christ auteur du salut. Tout ce qui se trouvait déjà de vérité et de grâce chez les nations comme par une secrète présence de Dieu, elle le délivre des contacts mauvais et le rend au Christ son Auteur, qui détruit l'empire du diable et arrête la malice infiniment diverse des crimes. Aussi, tout ce qu'on découvre de bon semé dans le coeur et l'âme des hommes ou dans les rites particuliers et les civilisations particulières des peuples, non seulement ne périt pas, mais est purifié, élevé et porté à sa perfection pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l'homme (24). Ainsi l'activité missionnaire tend vers la plénitude eschatologique (25): c'est par elle, en effet, que jusqu'à la mesure et à l'époque que le Père a fixées dans son autorité (cf. Act. 1, 7), se développe le Peuple de Dieu, en vue de qui il a été dit de manière prophétique: "Elargis l'espace de ta tente, déploie les tentures de ta demeure ! Ne les retiens pas !" (Is. 54, 2)(26); c'est par elle que s'accroît le Corps mystique jusqu'à la mesure de l'âge de la plénitude du Christ (cf. Eph. 4, 13), et que le temple spirituel où Dieu est adoré en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 23) grandit et se construit "sur le fondement des apôtres et des prophètes, le Christ Jésus étant lui-même la pierre d'angle" (Eph. 2, 20).


23. Bien qu'à tout disciple du Christ incombe pour sa part la charge de répandre la foi (1), le Christ Seigneur appelle toujours parmi ses disciples ceux qu'il veut pour qu'ils soient avec lui et pour les envoyer prêcher aux peuples païens (cf. Me 3, 13 s.). Aussi par l'Esprit-Saint, qui partage comme il lui plaît les charismes pour le bien de l'Eglise (1 Cor. 12, 11), inspire-t-il la vocation missionnaire dans le coeur d'individus et suscite-t-il en même temps dans l'Eglise des Instituts (2) qui se chargent comme d'un office propre de la mission d'évangélisation qui appartient à toute l'Eglise.
Ils sont, en effet, marqués d'une vocation spéciale ceux qui -- doués d'un caractère naturel adapté, aptes en raison de leurs qualités et de leur intelligence -- sont prêts à assumer (3) l'oeuvre missionnaire, qu'ils soient autochtones ou étrangers: prêtres, religieux, laïcs. Envoyés par l'autorité légitime, ils partent dans la foi et l'obéissance vers ceux qui sont loin du Christ, mis à part pour l'oeuvre en vue de laquelle ils ont été choisis (cf. Act. 13, 2) comme ministres de l'Evangile "pour que l'offrande des païens soit agréée, étant sanctifiée par l'Esprit-Saint" (Rom. 15, 16).


25. Le futur missionnaire doit être préparé à une si noble tâche par une formation spirituelle et morale spéciale (5). Il doit être prompt à prendre des initiatives, avoir de la constance pour mener à bout ses oeuvres, persévérant dans les difficultés; il doit supporter patiemment, courageusement, la solitude, la fatigue, le travail stérile. Il ira au-devant des hommes franchement, le coeur largement ouvert; il entreprendra de bon coeur les tâches qui lui auront été confiées; il s'adaptera généreusement aux moeurs étrangères des peuples, aux situations changeantes; en plein accord avec eux, avec une charité réciproque, il apportera son travail et son aide à ses frères et à tous ceux qui se consacrent à la même besogne, en sorte qu'ils soient, à l'imitation de la communauté apostolique, un seul coeur et une seule âme (cf. Act. 2, 42; 4, 32).
Déjà pendant le temps de la formation, ces dispositions d'âme doivent être mises en oeuvre, cultivées, élevées et nourries par la vie spirituelle.

Pénétré d'une foi vive et d'une espérance inébranlable, le missionnaire doit être un homme de prière; il doit être enflammé d'un esprit de force, d'amour, de maîtrise de soi (cf. 2 Tim. 1, 7); il doit apprendre à se suffire en toute occasion (cf. Phil. 4, 11); par l'esprit de sacrifice, il doit porter en lui l'état de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus opère en ceux à qui il est envoyé (cf. 2 Cor. 4, 10 s.); par zèle des âmes, il doit de tout coeur tout dépenser et, en outre, se dépenser lui-même pour les âmes (cf. 2 Cor. 12, 15 s.), au point que "par l'exercice quotidien de sa tâche, il grandisse dans l'amour de Dieu et du prochain" (6). C'est ainsi que, obéissant à la volonté du Père avec le Christ, il continuera la mission du Christ sous l'autorité hiérarchique de l'Église, et collaborera au mystère du salut.
26. Ceux qui seront envoyés vers les divers peuples païens doivent être, comme de bons ministres du Christ, nourris " des enseignements de la foi et de la bonne doctrine " (I Tim. 4, 6), qu'ils puiseront avant tout dans les Saintes Ecritures, approfondissant le mystère du Christ dont ils seront les hérauts et les témoins.

C'est pourquoi tous les missionnaires -- prêtres, frères, soeurs, laïcs -- doivent être préparés et formés chacun selon sa situation, afin de n'être pas trouvés inférieurs aux exigences de leur future tâche (7). Dès le début déjà, leur formation doctrinale doit être organisée de telle manière qu'elle embrasse l'universalité de l'Eglise et la diversité des nations. Cela vaut pour toutes les disciplines par lesquelles ils sont préparés à s'acquitter de leur ministère, et pour les autres sciences dont ils seront utilement instruits, afin qu'ils aient une connaissance générale des peuples, des cultures, des religions, tournée non seulement vers le passé, mais aussi vers le présent. Quiconque en effet doit aborder un autre peuple doit faire grand cas de son patrimoine, de ses langues, de ses moeurs. Il est donc absolument nécessaire au futur missionnaire de s'adonner aux études missiologiques, c'est-à-dire de connaître la doctrine et les règles de l'Eglise sur l'activité missionnaire, de savoir quels chemins les messagers de l'Evangile ont parcourus au cours des siècles, ainsi que la situation actuelle des missions, en même temps que les méthodes jugées actuellement plus efficaces (8).

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